A la lumière des lampes « tempête », maman se lève régulièrement du lit, au milieu de la nuit, la tête entre les paumes. Couchée sur la natte par terre, je guette chacun de ses gestes. Je crois qu’elle réfléchit. Qu’elle pense. Mais je ne sais à quoi ni à qui. L’autre soir, elle s’est mise à parler, à haute voix : « souffrir, vivre sous un regard étranger, enfermé dans ma conscience, regard et geste peuvent être mensonge, aussi trahison. On a des choses à dire, à confier, à confesser, mais on craint toujours la réaction d’autrui ». Depuis, tous les soirs, elle se répète ce monologue. Mais hier, sa voix était triste. Peut-être que pour la première fois, elle s’était entendue parler. « on a des choses à confier » disait-elle. Et si je lui demandait de me parler ? A 12 ans, il y a des choses qu’une jeune fille peut quand même comprendre, non ? Mais maman préfère, par moment, dialoguer avec cette table qui occupe déjà assez de place dans notre chambre exiguë. Je la hais cette table ! ma mère ne me voit même pas à cause d’elle. Et si je criais ! peut-être qu’elle m’emporterait dans ses pensées ? Mille nuits que cela dure. J’ai fini par m’habituer au spectacle de maman. A admirer l’élégance de son corps. La justesse de ses gestes que soutient sa voix rythmée par des souffles étouffés. Peut-être pour ne pas réveiller les voisins. Sa vie s’est résumé à la nuit, enfermée dans sa conscience. Et moi, tous les soirs, je me demande : où est papa? (Quelle: www.kaayfecc.com)
Anm.: Auf der DVD befindet sich auch eine (unterbrochene) Aufnahme von des Solos "Design" von Andréya Ouamba. / jst
Fatou Cissé